"La Sécurité est un droit (Rue Bleue)"

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Par Alain Dumait
11 avr. · 3 mn à lire
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L'IA, en nous mettant tous sous surveillance, nous protégera-t-elle mieux individuellement ?

Transports, voie publique, gares: la Vidéosurveillance algorithmique va s'offrir un baptême grandeur nature aux Jeux olympiques de Paris, sous l'œil inquiet de ses détracteurs qui voient dans l'expérimentation, prévue jusqu'en 2025, un prélude à sa généralisation...

Vidéosurveillance/Vidéoprotection « augmentée » ou « intelligente », comme l’écrivent les institutions et les industriels, ou encore vidéosurveillance « algorithmique » ou « automatisée » (VSA), ces termes recouvrent une même réalité, aux contours plus ou moins flous, et aux promesses plus ou moins concrétisées. Il s’agit de l’ajout d’une “couche d’algorithme” - c’est-à-dire des logiciels - aux caméras de vidéosurveillance dites « classiques ». Et ce, dans le but de rendre automatique l’analyse des images captées par caméras, jusqu’à présent réalisée par des humains, des opérateurs vidéo au sein de centres de supervision urbains (CSU). La VSA peut repérer des événements ou comportements jugés suspects ou à risque, avant d'alerter en temps réel un opérateur. Le gain de temps, et donc la capacité de réactivité, est ainsi considérablement augmenté.

Exemple de CSU : celui de la Préfecture de police de Paris, dite salle du centre d’information et de commandement (CIC), de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), inaugurée vendredi dernier 5 avril.

( Un tel centre de commandement existe, dans les sous-sols de la PP, depuis 1965. La vidéo a été introduite en 1969. Plusieurs fois agrandie et modernisée, cette salle, encore unique, va se voir ajouter 2 autres équipements du même type, avant les JOP de juillet prochain.)

Est-ce que la VSA aurait empêché hier l’agression au couteau hier, qui a fait un mort et un blessé à Bordeaux, tous deux Algériens ? Sans doute pas, car l’assassin, qui n'avait pas de papiers d'identité sur lui était inconnu au fichier automatisé des empreintes digitales (FAED).
Donc aucune intelligence artificielle n’aurait pu prévenir son crime…, sauf à déceler sur lui la présence d’un couteau… Ou le repérer parce qu’il était vêtu d’une djellaba…

En tout cas, la VSA va être massivement utilisée à Paris à l’occasion des JO. Conformément à la loi "Jeux Olympiques et paralympiques", adoptée par le Parlement mi-avril 2023.
Ce texte autorise le recours à la vidéosurveillance algorithmique (VSA) dans huit situations, notamment pour repérer des départs de feu, des mouvements de foule, des objets abandonnés, la présence d'un véhicule ou d'une personne dans une zone interdite en vue d'alerter pompiers, policiers ou gendarmes. Elle pourra être expérimentée pour les "manifestations sportives, récréatives ou culturelles" qui seraient "particulièrement exposées à des risques d'actes de terrorisme ou d'atteintes graves à la sécurité des personnes", encadre la loi.  

Dans le même temps, un nouveau règlement européen encadrant les systèmes d'intelligence artificielle (IA) prévoit de réguler le recours à la reconnaissance faciale.

(Des ONG regrettent qu'il "manque l'opportunité" de l'interdire totalement. C’est ce que déplore Katia Roux, d'Amnesty International France. Amnesty réclame une interdiction totale de la reconnaissance faciale à des fins d'identification dans l'espace public, une technologie qui permet d'analyser les traits des visages avant de les comparer à d'autres images ou à une base de données en temps réel ou en différé.

En France, les autorités l'assurent, aucun des logiciels utilisés ne permet l'utilisation de la reconnaissance faciale directe. Les événements nécessitant de recourir à la vidéosurveillance algorithmique feront l'objet d'un arrêté préfectoral - non encore paru - précisant "la temporalité, la localisation et les motifs", souligne Beauvau.  Mi-février, le ministère a jugé qu'il était encore "trop tôt" pour évaluer le nombre des caméras dites "intelligentes" qui seront déployées lors des JO-2024.

Pourtant elle est déjà employée en France dans certains cas et sous conditions.
Collèges, casernes de pompiers ou établissements départementaux, le département des Yvelines a installé depuis 2019, dans ou aux abords de 150 sites, 3.255 caméras de vidéosurveillance équipées d'un dispositif algorithmique anti-intrusion. La nuit, lorsqu'un individu traverse une ligne virtuelle dans l'image, il entraîne une modification de pixels qui déclenche un signal sonore transmis au centre départemental de supervision des images de Versailles (CDSI). Devant le mur d'écrans sur lequel les images sont diffusées en temps réel, un agent transmet ensuite le signalement de l'individu aux services de police.

Selon la Cnil, l'autorité indépendante gardienne des libertés numériques, elle peut être utilisée pour vérifier qu'une personne est bien celle qu'elle prétend être, ou pour identifier un individu dans un lieu, une image, une base de données ou un groupe de personnes.

Néanmoins, si ce n’est cette nouvelle directive européenne, la technologie de reconnaissance faciale, n'a pas encore de cadre juridique précis. Elle doit toutefois respecter le "cadre de la protection des données à caractère personnel", souligne la Cnil, notamment les dispositions du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la directive "police-justice" (2016) encadrant le traitement des "données à caractère personnel par les autorités compétentes" au niveau européen. A l'échelle nationale, les dispositions de la loi informatique et libertés s'appliquent. En juin, le Sénat a adopté une proposition de loi pour créer un cadre juridique à l'utilisation des technologies biométriques, qui ouvre la voie au recours à la reconnaissance faciale, à titre expérimental, "dans des cas particulièrement graves". Le texte n'a pour l'heure pas été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

La directive "police-justice" de 2016 permet cependant l'utilisation de la reconnaissance faciale par les "autorités compétentes" en cas de "nécessité absolue". Elle est également utilisée dans les enquêtes de police pour interroger le Traitement d'antécédents judiciaires (Taj), un fichier contenant des millions de fiches sur les auteurs et victimes d'infractions. Ce recours pour des requêtes au Taj est en "accroissement notable" ces dernières années, selon un rapport parlementaire (2022), qui précise qu'il a été utilisé 498.871 fois par la Police et environ 117.000 fois par la Gendarmerie en 2021. Le système de passage rapide aux frontières extérieures de l'Union européenne (Parafe) utilise également le contrôle biométrique de l'identité de passagers dans des sas et selon certaines conditions.
 - "Il n'y a jamais eu d'évaluation indépendante, objective, qui prouve l'efficacité de ces technologies pour limiter la criminalité, pour lutter contre le terrorisme", rétorque Katia Roux, qui craint que les JO accélèrent. leur déploiement.
La militante d'Amnesty cite l'exemple des Jeux de Londres en 2012. Des technologies de surveillance, notamment la reconnaissance faciale, y avaient été expérimentées et "à la fin de l'événement, ces mesures dites exceptionnelles sont restées", note-t-elle. "La France s'insère malheureusement dans cette tendance en devenant avec les JO de Paris le premier Etat membre de l'UE à légaliser la vidéosurveillance algorithmique", s'inquiète Katia Roux.  
Il convient d’ajouter que, si la VSA ne représente aujourd’hui qu’une part réduite du marché mondial de la vidéosurveillance, il progresse deux fois plus vite que ce dernier (+20% par an, comparé à + 8 à 10% pour la vidéosurveillance), et serait déjà, sur le plan mondial, de l’ordre de six milliards de dollars. Quelque 20 milliards en 2028…
AD, avec l’AFP

Une autre info, sous forme d’un point de vue décalée, par rapport à celui des médias dominants, sur la guerre à Gaza…

Dans Newsweek, John Spencer, qui enseigne la guerre urbaine au Modern War Institute (MWI) de West Point, l’école militaire américaine, s’est déclaré “admiratif” des techniques de guerre urbaine inventées par les Israéliens, et qui sont en contradiction avec les lois de la guerre (surprendre l’ennemi, frapper fort pour le détruire) : “Au cours de ma longue carrière d’étudiant et de conseiller en matière de guerre urbaine pour l’armée américaine, je n’ai jamais vu une armée prendre de telles mesures pour s’occuper de la population civile ennemie, surtout quand elle combat simultanément l’ennemi dans les mêmes bâtiments. D’après mon analyse, Israël a mis en œuvre plus de précautions pour prévenir les dommages civils que n’importe quelle armée dans l’histoire – au-delà de ce que le droit international exige et plus que ne l’ont fait les États-Unis dans leurs guerres en Irak et en Afghanistan“.
(Signalé par Daniel Hervouet, Contrôleur général des armées (2S), Directeur de collection éditions Balland, sur son compte LinkedIn, ce matin 11 avril).