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Par Alain Dumait
30 mai · 3 mn à lire
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Refus d'obtempérer : un rapport parlementaire pointe les différences de culture et de pratique entre gendarmes et policiers

Le recours à de nouveaux moyens techniques permettrait de réduire encore les cas d'ouverture du feu (en 2022, 140 tirs ont été recensés côté police et 30 tirs côté gendarmerie), pour immobiliser les automobilist récalcitrants (une moyenne annuelle de 25.700 délits de refus d'obtempérer routiers, soit un toutes les vingt minutes, entre 2016 et 2023)

  1. Moins d’un an après la mort du jeune Nahel, tué par un policier après un refus d’obtempérer présumé le 27 juin 2023, les députés Thomas Rudigoz (LR, Rhône) et Roger Vicot (Socialistes et apparentés, Nord) ont rendu mercredi 29 mai 2024 un rapport d’information sur la "hausse de ces refus d’obtempérer et les conditions d’usage de leurs armes par les forces de l’ordre",. 23 recommandations concluent ce travail.

  2. Après avoir procédé à l’audition de près de 100 personnes durant plus de six mois de travaux, les élus s’accordent sur un constat qui va à rebours de certaines observations : le changement des conditions d’usage de l’arme à feu par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, dite "loi Cazeneuve", "n’a pas assoupli en lui-même les conditions d’usage de l’arme par les forces de l’ordre en général, et pas davantage dans le cadre d’un refus d’obtempérer", estiment-ils, tout en admettant que "ce nouveau cadre a pu être compris comme un assouplissement".

Tant les clivages sont grands sur le sujet, et les données manquantes, ils se disent  incapables de "trancher le débat sur l’existence ou non d’un lien de causalité entre le changement de cadre juridique et l’évolution du nombre de tirs contre des véhicules en mouvement et de décès survenus dans ce cadre".

Les rapporteurs balaient ainsi les conclusions d’une étude des chercheurs Sebastian Roché (CRNS), Paul Le Derff (université de Lille) et Simon Varaine (université Grenoble Alpes) publiée dans la revue Esprit en 2022. Laquelle dressait un lien entre la loi de 2017 et une "augmentation du nombre de décès" à la suite de tirs policiers.

  1. La loi de 2017 avait introduit l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure, qui dispose que les forces de l’ordre peuvent faire usage de leur arme "en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée" dans plusieurs cas. Notamment, précise le 4° de l’article, "lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui".

Cette même année 2017, le nombre de tirs de policiers (205) et de gendarmes (53) sur des véhicules a atteint un record, rappellent les chiffres présentés dans le rapport. Mais les rapporteurs notent que, "depuis 2017, le nombre des tirs connaît une baisse : diminution de 32 % entre 2017 et 2022 au sein de la police, et diminution de 43 % au sein de la gendarmerie". En 2022, 140 tirs ont été recensés côté police et 30 tirs côté gendarmerie. Cette année-là, les tirs policiers ont engendré la mort de treize personnes, tandis qu’aucune victime n’est à déplorer dans les interventions de gendarmes.
La part des refus d’obtempérer ayant donné lieu à un tir passe de 0,58 % en 2013 à 0,98 % en 2017, année record. S’ensuit ensuite une décrue progressive jusqu’en 2022 (0,55 %). Reste que le nombre de tirs annuels depuis 2017 est plus élevé que lors de la période antérieure.

  1. Un phénomène inquiète particulièrement les députés : l’explosion des refus d’obtempérer aggravés – qui expose directement "autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente" –, de l’ordre de 94,6 % en dix ans. La note du SSMSI précitée décrit aussi une augmentation de la part et du nombre de ces refus d’obtempérer aggravés. Ces derniers jours, plusieurs CRS ont été blessés à Marseille dimanche 26 mai et trois gendarmes ont été percutés lundi 27 mai dans le Nord. Chaque année, 170 gendarmes sont blessés, d’après le rapport. Le nombre de blessés policiers n’est pas indiqué.

  2. c’est sur l’organisation des pratiques des forces de l’ordre que la mission préconise de vastes évolutions. D’abord sur l’arsenal, en recommandant la modernisation des outils en leur possession, qui passerait par des "herses télécommandées" ou des technologies "permettant d’arrêter des véhicules à distance", intitulées "Potential PCP project / Stopping vehicles remotely". Les herses classiques "se heurtent de plus en plus à la résistance croissante des pneumatiques fabriqués par les constructeurs, qui permet à certains véhicules de continuer à rouler sur plusieurs centaines de mètres voire quelques kilomètres".

Le rapport suggère aussi le recours à des "balises aimantées qui permettent le marquage des véhicules qui refusent d’obtempérer, afin de faciliter les interceptions différées". Il préconise une amplification du déploiement des caméras embarquées dans les véhicules de police et de gendarmerie, ainsi que des caméras piétons – 22 000 seraient déployées dans la gendarmerie et 32 000 dans la police.

les co-rapporteurs estiment "que les outils pédagogiques à destination des gendarmes sont plus clairs", et prônent donc une uniformisation entre police et gendarmerie, pour que "la culture opérationnelle du jalonnement de la gendarmerie (c’est-à-dire la recherche de renseignements pour procéder à une intervention différée) soit généralisée à la police".

Cette uniformisation pourrait aussi concerner la visibilité des contrôles. "Il y aura plus de refus d’obtempérer avec un gendarme au milieu de la route tout seul qu’avec deux voitures très visibles, éclairées, avec des gyrophares et un dispositif très clair", a soutenu l’ancien DGGN Richard Lizurey, qui, tout au long de son commandement, exhortait les gendarmes à éviter de prendre des risques personnels…

Alain Dumait

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