"La Sécurité est un droit (Rue Bleue)"

Pour une police de proximité efficace et partout !

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Par Alain Dumait
29 mars · 4 mn à lire
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Les difficultés de recrutement des FSI, comme des Armées, imposent des réformes courageuses !

Face aux périls intérieurs et extérieurs grandissants, il faut évidemment renforcer nos moyens. Comme, au niveau de l'Etat, il faut serrer les cordons de la bourse, c'est le moment de se tourner vers des réformes audacieuses...

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Brève revue de détails…

🟥 Les Jeux olympiques de Paris commencent dans moins de quatre mois et le recrutement des personnels de sécurité privée nécessaire n’est toujours pas bouclé ! “On y est presque”, a déclaré hier Tony Estanguet devant la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale

🟥 Les policiers municipaux sont en colère depuis de longs mois. avec leurs syndicats et leurs associations, ils ont organisé déjà plusieurs grèves… Ils revendiquent des augmentations de salaires, qui n’ont pas été revalorisés depuis 2006…
Hier mercredi 27 mars, la ministre déléguée aux Collectivités Dominique Faure a salué la conclusion d'un accord permettant aux maires de revaloriser les salaires de leurs policiers. Mais le compte n'y est pas, selon un représentant des policiers municipaux en colère. Car il s’agit d’une revalorisation indemnitaire”, des primes accordées par les maires à leurs policiers municipaux et gardes champêtres, via “l'indemnité spéciale mensuelle de fonctions”, créée en 1974...
"Les policiers municipaux iront dans les villes qui payent, au détriment des plus petites", a regretté de son côté Thierry Colomar, président de la Fédération nationale des policiers municipaux de France (FNPMF).

🟥 Ces dernières années, l'Armée de terre peine à recruter. Cela peut s'expliquer par plusieurs facteurs : le manque d'attractivité, les conditions de vie difficiles, la rémunération moins importante que dans le privé. Alors que plus de 6.000 nouveaux postes devraient être créés d’ici à 2030, les objectifs de recrutement ne seront sans doute pas atteints fin 2023 : à la fin de l’année 2023, entre 1.500 et 2.000 jeunes n’ont pas été recrutés, par rapport aux objectifs fixés. A certains concours, les candidats sont moins nombreux que les places à pourvoir….

🟥 Pour la police et la Gendarmerie, depuis la fin de la crise sanitaire, une tendance de fond s’est installée : le nombre de personnels quittant la police et la gendarmerie nationales augmente. La police nationale affichait 10 840 départs en 2021 (+33 % en quatre ans) et la gendarmerie nationale 15 078 (+25 %). Des scores à nouveau battus en 2022… La tendance continue…
Pour compenser ces départs, la gendarmerie nationale doit renouveler 15 % de ses personnels chaque année.
Ce phénomène ne s’explique pas par les départs en retraite, qui restent globalement stables. Plusieurs motifs sont évoqués dans le rapport de la Cour des comptes, notamment la concurrence avec les polices municipales, qui attirent de plus en plus de policiers et gendarmes, la hausse des démissions en école et l’augmentation des détachements dans d’autres administrations.
Pour répondre à l’objectif politique d'un recrutement massif de policiers et de gendarmes, les responsables sont contraints de dégrader la qualité des recrutements et des formations, d’autant que les viviers de recrutement s’assèchent peu à peu. A fortiori, avec la concurrence d’autres recruteurs, comme les polices municipales, les sapeurs-pompiers, la sécurité privée et les forces armées, tous amenés à croître dans les prochaines années.
Ainsi, en 2022, le nombre de policiers actifs a diminué par rapport à 2021 (-117 en équivalents temps plein). Les réserves opérationnelles peinent également à monter en puissance pour atteindre les ambitions affichées à horizon 2027. Un objectif qui nécessiterait un quadruplement du flux de recrutement de 2022.
En termes de création de postes, police et gendarmerie ont de plus en plus de difficultés à remplir leurs ambitions, alors même que les crédits de personnels sont disponibles. En 2022, les recrutements au sein de la gendarmerie nationale ont dû être augmentés de 25 % et ceux de la police nationale de 29 %. Pour remédier à cette situation, le taux d’admission au concours de gardien de la paix est passé de 2 % en 2014 à 18 % en 2020. Il atteint 20 % chez les sous-officiers de gendarmerie.
Ce déficit d’attractivité et de fidélisation tend à démontrer que les revalorisations indemnitaires, dont ont bénéficié les forces de l’ordre depuis 2016, n’atteignent pas leurs objectifs. Il apparaît nécessaire, pour la Cour des comptes, de déployer “une politique de fidélisation différente, axée sur l’amélioration des conditions de travail et la gestion dynamique des ressources humaines.” (in
Mutualité Fonction Publique)

🟥 Il y a déjà soixante ans, Bernard Gournay, Conseiller référendaire à la Cour des comptes, qui enseignait la sociologie administrative aux étudiants de Sciences-po Paris, leur expliquait que le statut général des fonctionnaires, instauré par la loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946 (et dont le ministre était Maurice Thorez, jusqu’au 4 mai 1947), était devenu, par sa rigidité, largement inadapté aux évolutions et aux besoins modernes. C’est d’ailleurs pour le contourner que primes et bonifications de toutes sortes se sont multipliées, comme gendarmes et policiers ne l’ignorent pas…. Or, à ce jour, FSI et Militaires sont tous des fonctionnaires, à l’exception notable des personnels sous contrat…

Examiner ce que font les autres pays, autour de nous, est toujours instructif…

🟥 En terme de statut, d’abord.
- Si tous les pays européens sont dotés d’une fonction publique (à l’exception de la Suisse, qui l’a abolie le 20 mars 2000, les agents publics devenant des employés révocables…), la plupart de nos voisins ont des statuts différents selon les administrations ou les fonctions.
Jusqu’en 1946, ce statut, en France, n’était pas général, la situation des fonctionnaires variait selon leur ministère de rattachement, leur affectation centrale ou territoriale ou encore leur catégorie professionnelle.
D’autre part, dans chaque administration, aux côtés des fonctionnaires, civils ou militaires, on trouve des agents contractuels, dans des proportions chaque fois différentes. Il en est de même chez nos voisins : s’agissant des FSI et des militaires, on dénombre souvent moins de fonctionnaires et davantage de contractuels…

🟥 En terme de rémunération, ensuite.
Selon des données issues de l’OCDE, qui publie des comparaisons de rémunération par profession, s’agissant des policiers, par exemple, les écarts seraient considérables :
- En Europe, un policier suisse serait cinq fois mieux payé (pour un coût de la vie de 65% supéieur)…. Au Canada la rémunération serait quatre fois plus élevée…
Avec les autres pays, nous serions à peu près dans la moyenne…

Que faire (comme disait Lénine en 1901…)… 

🟥, Toute réforme d’un système passe par sa simplification” (Octave Gélinier)
- Le statut général des fonctionnaires est devenu un grimoire.
Il faut revenir, au moins pour les métiers en tension du secteur public, comme les FSI et les Armées, à un ou des statuts spécifiques.
- De plus en plus de policiers et de gendarmes démissionnent en cours de carrière. Plutôt que de les décourager, il serait plus judicieux de leur proposer des contrats courts, et même de donner le choix à tous, entre une carrière de longue durée et un contrat à durée déterminée.
- On n’évitera pas, dans les années à venir, des augmentations de salaire significatives. Malgré la situation catastrophique de nos finances publiques….
Il faut donc être intelligent : soit on fait des économies dans d’autres domaines d’intervention de l’Etat, soit on trouve des gains de productivité applicables à ces secteurs de la sécurité publique intérieure et extérieure.

🟥 Or, nous sommes au tout début d’une révolution technologique majeure : celle de l’intelligence artificielle.
Souvent, les forces
de sécurité publique - forces de l'ordre, pompiers, services d'urgence et gestion des urgences - ont été les premiers à adopter les toutes dernières technologies (premières alarmes à incendie par voie télégraphique, radios, caméras embarquées…). Le contre exemple étant celui de l’utilisation des drones au début des années 2010….
Aujourd'hui, l'expansion des réseaux de dispositifs intelligents et l'essor de l'intelligence artificielle transforment la technologie de la sécurité publique, qui passe d'un ensemble d'outils essentiels, à un partenaire autonome, capable d'agir pour assurer la sécurité du public.
Un petit exemple, déjà ancien : “La technologie de détection des coups de feu a permis d'attraper un criminel qui a tiré plusieurs coups de feu sur des personnes dans un quartier de Fresno, en Californie, en 2017. Les agents ont été alertés presque immédiatement et ont capturé le suspect avant qu'il ne quitte la zone”. '(in “
intégration de l’intelligence artificielle dans les objets connectés”.)
Or, Police et Gendarmerie sont en pointe dans la recherche IA…

==> Comme souvent, les obstacles à la solution des défis de notre époque - et ceux de la sécurité arrivent loin devant - ne se situent pas tant du côté des techniques, ni de l’intelligence des hommes, mais du côté de la pesanteur des structures. Et du courage des politiques.

Alain Dumait