Le retour des QHS une évolution logique.

Une evolution Logique

Il est étudié actuellement le retour dans nos prisons de Quartiers de Haute Sécurité baptisés « quartier de lutte contre la criminalité organisée ». Cette volonté fait pousser des cris d’orfraies à certains avocats pénalistes ou non qui y voient une dangereuse renaissance de pratiques ancestrales. On brandit alors la Déclaration des droits de l’Homme, on invoque les mânes d’éminents jurisconsultes on s’interroge dans le calme et le confort de son bureau sur la pertinence de cette volonté.

La prison est une sanction. Il convient de le rappeler.

La prison n’est pas une prévention. La prison n’est pas une parenthèse enchantée. La prison n’est pas un espace de formation continue.

La prison est une sanction qui cherche à mettre à l’écart de la société des individus qui se sont, eux-mêmes, mis à la marge de celle-ci.

La prison est punition ce qui n’interdit pas qu’elle soit graduée en fonction de la gravité des faits, voire que l’incarcération en elle-même se voit substituer des mesures alternatives, travaux d’intérêt général ou pose d’un bracelet électronique.

La prison est aussi un miroir de notre société et de sa tolérance aux actes commis.

Prévert dans sa « chasse à l’enfant » rappelle que la justice des mineurs n’a pas toujours été douce, « Papillon » évoque les bagnes qui ont eux-aussi disparu…pour être en phase avec une société, non pas plus permissive, plus sensible aux droits de l’homme.

Les Quartiers de Haute Sécurité ont vécu de 1975 à 1982 ou R.Badinter les a supprimés. Ils ont souhaité répondre à une « grande » criminalité de bandes et de gangs ou à un terrorisme social (Action Directe) dont l’isolement des chefs apparaissait comme une réponse adéquate.

La volonté de les voir renaître n’est pas une surprise.

La criminalité a considérablement évolué au cours des vingt dernières années. Les armes de guerre ont remplacé le simple 9mm. Les moyens financiers de délinquants ne proviennent plus de braquages de banques mais de points de vente de drogue autrement plus rémunérateurs. L’occupation de la voie publique n’est plus une exception mais une réalité quotidienne qui empoisonne la vie des riverains. Les aggiornamentos avec élus et agents de l’État ne sont plus pittoresques mais prennent la forme d’infiltration et de corruption en profondeur. Les moyens techniques ont démultiplié les capacités d’action des délinquants y compris ceux incarcérés, comme l’a tristement démontré l’évasion de Mohamed Amra, ce dernier de sa cellule pouvant gérer ses « affaires ». Le recours à des mineurs comme exécutants de basse besogne n'est plus anecdotique mais relève d’une vraie stratégie d’esquive de la sanction pénale.

A toutes ses évolutions de la criminalités la prison n’a pas encore su complétement s’adapter.

La création d’établissements qui seraient de vraies cages de Faraday imperméables aux transmissions en provenance de l’extérieur est une réponse, certes efficace mais coûteuse.

La mise en place de QHS dans les établissements existants pourrait être tout aussi efficace et moins onéreuse.

En tant qu’avocat je peux comprendre que certains confrères s’émeuvent de telles intentions. Ils sont dans la droite ligne de Thierry Levy qui écrivait dans un de ses ouvrages Éloge de la barbarie judiciaire (Odile Jacob, 2004) « Les victimes ou prétendues telles occupent aujourd’hui la place centrale dans le procès. Souveraines, elles sont l’objet de toutes les sollicitudes et ne pas leur rendre hommage ou, pis, oser mettre en doute leur parole, est devenu sacrilège. »

Le fait de comprendre des prises de position ne signifie pas qu’ils aient raison. On peut même penser qu’ils ont tort.

Depuis 1982 la criminalité a changé, les criminels aussi.

En 2025 la barbarie n’est pas judiciaire.

En 2025 il n’est plus choquant de donner aux victimes la place centrale qui leur est due.

En 2025 un QHS ne refera pas revenir à la vie Socayna tuée par une balle perdue dans sa chambre par un caïd de 15 ans qui tirait depuis la rue.

En 2025 un QHS n’amendera pas non plus le criminel qui pourrait y purger sa peine.

Non en 2025 le « quartier de lutte contre la criminalité organisée » ne mettra pas son occupant en état de « stase » tel que dans Minority Report. Le « quartier de lutte contre la criminalité organisée » matérialisera une sanction à la hauteur des crimes commis et évitera les interactions du détenu avec la société civile.

Peut-être un moyen à défaut d’apaiser les victimes passées et de prévenir la survenance de victimes futures.

Nicolas Lerègle

Directeur de la rédaction

Avocat à la Cour

Faut-il revoir l’accord franco-algérien de 1968 ?

Les relations entre la France et l’Algérie connaissent de fortes fluctuations, si bien que l’accord franco-algérien, permettant des facilités d’échanges entre les deux pays, est l’objet de vives critiques de la part de responsables français. Faut-il dénoncer l’accord de 1968 ? Ou seulement ses formats révisés ultérieurement ? Rym Boukhari-Saou, avocate franco-algérienne nous répond.

Un accord pas si favorable aux Algériens ?

Alors que des voix s’élèvent en France pour dénoncer l’accord franco-algérien de 1968, ce dernier ne serait pas si favorable aux ressortissants algériens. « Les Algériens soumis à cette convention ne bénéficient pas, comme d’autres ressortissants étrangers, des dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers pourtant plus avantageuses sur certains points, notamment la régularisation exceptionnelle », observe maître Boukhari-Saou. « Je ne pense pas que ce soit une convention aussi avantageuse qu’on peut le dire. »

Dénoncer un tel accord pourrait avoir des conséquences plus graves pour les relations entre les deux pays. « La dénonciation officielle de l’accord - modifié ultérieurement – pourrait peut-être faire revenir aux pratiques de l’accord d’Evian de 1962, qui prévoyait une libre circulation entre l’Algérie et la France et donc permettait aux Algériens de rentrer en France sans visa. Par ailleurs, la dénonciation de l’accord pourrait entrainer la remise en cause d’autres accords qui sont indirectement liés : Entraide judiciaire en matière pénale avec l’Algérie ou encore La convention franco-algérienne relative à l’exequatur et à l’extradition du 27 août 1964 », rappelle Rym Boukhari-Saou. « Inversement, l’accord algéro-français est beaucoup plus favorable aux Français qui souhaitent s’installer en Algérie, que le contraire. Les Français peuvent obtenir des visas beaucoup plus facilement que les Algériens en France. »

Une question politique-diplomatique

L’accord franco-algérien de 1968 suscite des critiques en France mais au-delà de cet accord juridique il existe de nombreuses tensions d’ordre politique et historique. « La question n’est pas uniquement l’accord franco-algérien en tant que tel mais aussi les tensions liées à l’histoire entre la France et l’Algérie. Ainsi, soit on dénonce l’accord de manière unilatérale, ou bien on le modifie à partir d’un dialogue entre les deux pays », interpelle maître Boukhari-Saou. « Dénoncer un accord représente un message fort sur le plan politique mais avons-nous intérêt à couper les relations franco-algériennes ? Notamment au regard des millions d’Algériens qui vivent en France et des Français d’origine algérienne, au regard des relations commerciales et des différents liens qui unissent les deux pays. Si l’on dénonce l’accord franco-algérien autant dénoncer l’accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ou encore l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, car les Tunisiens peuvent par exemple bénéficier à la fois de l’accord franco-tunisien mais aussi du Code de l’entrée et du séjour des étrangers. Peut-être serait-il pertinent de permettre aux ressortissants algériens de bénéficier eux aussi du régime générale (CESEDA) sur les questions non traitées par l’accord franco-algérien ? », questionne-t-elle.

Après une indépendance ayant fait couler beaucoup de sang, les tensions restent vives entre la France et l’Algérie. « Les relations franco-algériennes sont aussi régies par une question historique, une question de mémoire. Pendant la colonisation, l’Algérie n’était pas un protectorat, il s’agissait de départements français au même titre que le Var ou les Bouches-du-Rhône. » C’est ce qui explique la lourdeur qui entoure la question de l’avenir de l’accord de 1968.

Le régime des OQTF en ligne de mire

Les Obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont-elles assez appliquées ? La question fait l’objet de vifs débats dans le champ politique et leur application réelle fait souvent l’objet de dénonciations car elles seraient peu appliquées. « Le régime des OQTF dépend du régime général applicable à tous ceux qui se voient refuser leur titre de séjour et dépend de la loi et non-pas de l’accord de 1968 », rappelle Rym Boukhari-Saou.

En ce qui concerne l’Algérie, certains consulats « ont pu être réticents, il y a 10 ou 15 ans, à donner des laisser-passer permettant de reconnaître et de reprendre ses ressortissants, car certains ressortissants étrangers – marocain ou égyptien - pouvaient se faire passer pour Algériens. Toutefois, les consulats algériens sont aujourd’hui les premiers à émettre des laisser-passer et souvent en plus grand nombre que d’autres pays », conclut l’avocate.

Simon DOUAGLIN

Rédacteur-en-chef

L’Essor de la sécurité publique

Cette édition de la lettre de la Sécurité Publique est la dernière sous sa forme actuelle. A compter de la semaine prochaine le site www.lessordelasecuritepublique.org sera actif et vous permettra de façon plus simple d’accéder à l’ensemble de nos contenus. Cette évolution s’inscrit dans notre volonté de couvrir l’ensemble des métiers de la sécurité publique et de vous permettre d’apprécier leur diversité et leurs enjeux pour la société. Cette évolution ne modifiera en rien votre abonnement.

"La Sécurité est un droit (Rue Bleue)"

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Par nicolas leregle

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